📰Actualité : Pourquoi les investisseurs ne tiennent pas compte du risque d’inflation face à la mainmise de Trump sur la Fed
L’offensive de Donald Trump pour accroître son influence sur la Réserve fédérale américaine suscite de vives inquiétudes dans les cercles de politique monétaire. Pourtant, sur les marchés obligataires, où l’on s’attendrait à voir ces tensions se refléter par une hausse des anticipations d’inflation, le calme règne.
Des anticipations d’inflation étonnamment stables
Les indicateurs de marché liés à l’inflation américaine se situent aujourd’hui dans la moyenne des deux dernières années et proches de l’objectif de 2 % de la Fed. Même les anticipations à moyen et long terme, censées refléter les craintes de dérapage des prix, restent contenues.
Cette sérénité contraste avec l’ampleur de la bataille politique en cours. Trump tente d’imposer sa marque à la Fed en réclamant des taux plus bas, en cherchant à limoger un gouverneur et même en menaçant le président Jerome Powell. Sa volonté affichée : transformer la banque centrale en instrument de réduction du coût de la dette publique, ce qui sortirait clairement de son mandat.
Un marché « devenu insensible »
Pourquoi, dans ce contexte, les investisseurs restent-ils si confiants ?
Certains stratèges estiment que les marchés obligataires adoptent une posture d’« attendre pour voir ». Pour eux, seule une décision concrète de la Fed, jugée dangereuse sur le long terme, déclencherait une véritable révision des anticipations d’inflation.
Comme l’explique Blake Gwinn, responsable des taux américains chez RBC Capital Markets : « Les investisseurs semblent anesthésiés par le flux permanent de risques. Ils attendent un signal clair, comme une décision de politique monétaire manifestement problématique, avant de réagir. »
La Fed reste prudente… pour l’instant
La Réserve fédérale a baissé ses taux pour la première fois en 2025, tout en soulignant qu’elle resterait vigilante sur l’inflation. Le nouvel arrivant au conseil, Stephen Miran, partisan d’une détente monétaire plus agressive, fait figure d’exception au sein du comité.
Côté consommateurs, les enquêtes montrent également une stabilité des anticipations : autour de 3 % à trois et cinq ans selon le sondage de la Fed de New York.
Un « puzzle » pour les observateurs
Pour de nombreux anciens banquiers centraux, cette inertie est déroutante. Historiquement, l’indépendance des banques centrales est corrélée à une inflation plus faible. Dans nombre de pays émergents, l’ingérence politique a souvent provoqué une flambée des prix.
Aux États-Unis, le spread entre les taux longs et les taux courts (courbe des rendements) s’est récemment accentué, reflet d’une certaine inquiétude quant à l’indépendance de la Fed et au déficit budgétaire massif. Mais globalement, les marchés continuent de parier que le fonctionnement « normal » de la politique monétaire prévaudra.
Jusqu’où Trump peut-il aller ?
Pour l’instant, les investisseurs « pricent ce qu’ils connaissent », selon Steven Blitz de TS Lombard : à savoir une Fed qui, malgré les pressions, agit selon les mêmes schémas qu’auparavant. La faiblesse du marché du travail justifie d’ailleurs, indépendamment de Trump, une certaine baisse des taux.
Mais les choses pourraient changer si, après la fin du mandat de Powell en mai prochain, un successeur choisi par Trump privilégiait des baisses rapides de taux alors même que l’inflation repart. Dans ce scénario, la confiance des marchés pourrait s’effriter brutalement, avec un net redressement des anticipations de prix et une courbe des taux encore plus pentue.
Le risque d’une absence de contre-pouvoir
En attendant, l’absence de réaction des marchés peut paradoxalement donner plus de marge de manœuvre à la Maison-Blanche. Comme le résume Derek Tang, économiste chez LH/Meyer : « Le signal est mauvais : sans résistance du marché, l’administration va continuer à pousser toujours plus loin. »
👉 En résumé : malgré les menaces qui pèsent sur l’indépendance de la Fed, les marchés financiers ne semblent pas croire à un dérapage inflationniste. Mais cette confiance pourrait se révéler fragile si la politique monétaire devenait explicitement guidée par les intérêts politiques à court terme.