🗝️DAC8 : ce qui change pour les utilisateurs crypto en Europe dès 2026
À partir du 1er janvier 2026, le paysage fiscal des crypto-actifs change de dimension dans l’Union européenne. Avec DAC8 (Directive on Administrative Cooperation n°8), les plateformes crypto (CASP) devront transmettre automatiquement de larges volumes d’informations à l’administration fiscale de chaque État membre. La première échéance de déclaration interviendra au plus tard le 31 janvier 2027, pour les données de l’année 2026.
Concrètement, l’administration pourra voir que vous détenez des cryptos, rapprocher ces informations de vos déclarations et détecter les comptes à l’étranger non déclarés. « Ce qui passait jusqu’ici » (omissions, flous, méconnaissance) ne passera plus demain.
1) DAC8 en deux phrases
DAC8 impose un reporting automatique par les plateformes crypto (CASP/anciens PSAN) vers les administrations fiscales : identité des clients, adresses, dates d’ouverture, transactions réalisées en 2026.
L’objectif est de croiser ces données avec vos déclarations pour identifier les situations non conformes (plus-values, comptes étrangers non déclarés, etc.).
Important : il n’y a pas de rétroactivité du reporting automatique avant 2026, mais l’administration peut ensuite demander aux plateformes des données antérieures (ex. 10 ans) pour un contribuable visé dans un contrôle.
2) Travel Rule vs DAC8 : deux tuyaux, mêmes données
Travel Rule (TFR) : transmission entre acteurs (CASP → CASP) des informations d’identité de l’expéditeur et du destinataire + justificatifs/PI (KYC), afin de détecter le blanchiment et signaler à Tracfin les opérations suspectes.
DAC8 : transmission aux administrations fiscales des mêmes types d’informations (titulaire, transactions, etc.) mais via un canal automatique et régulier.
En schéma :
Acteurs crypto ↔️ Acteurs crypto (Travel Rule) → 🏛️ Administration fiscale (DAC8).
3) Le cas « self-custody » et le seuil de 1 000 €
Si vous retirez des fonds d’un exchange centralisé vers votre wallet en self-custody :
≥ 1 000 € par opération : la plateforme vous demandera d’identifier le wallet (mettre un nom dessus) et de fournir des infos sur l’opération (KYC du wallet).
< 1 000 € : en théorie, pas d’identification systématique du wallet. Mais : fractionner artificiellement 5 × 1 000 € sur un court laps de temps sera assimilé à 5 000 € en une fois. Les plateformes agrègent et détectent ces découpages.
Exemple – Jean-Luc :
Jean-Luc envoie 1 200 € de son exchange vers son Ledger. L’exchange lui demande d’identifier ce wallet (KYC du wallet) et enregistre l’opération. Si Jean-Luc tente plutôt 6 virements de 200 € sur la même journée, la plateforme peut requalifier l’ensemble comme > 1 000 €, et exiger les mêmes informations.
4) Quelles données partent à l’administration ?
Identité du client (expéditeur/destinataire), adresse, copies de pièces (issues du KYC), dates d’ouverture de compte.
Transactions 2026 (montants, dates, sens, contreparties identifiées quand c’est un autre CASP).
⚠️ Pas les soldes de portefeuille dans le flux DAC8 de base. Pour calculer une plus-value au prorata (méthode française), l’administration ne pourra pas tout faire seule : elle utilisera DAC8 pour cibler ses contrôles, puis demandera des compléments (soldes historiques, exports, etc.).
5) Et hors UE ? Le maillage international
Au-delà de l’UE, une convention multilatérale OCDE organise aussi l’échange automatique d’informations entre plus de 100 pays. Un résident fiscal français qui ouvre un compte crypto au Maroc, par exemple, peut voir ses informations remontées à la France via ce canal.
6) Vie privée, cybersécurité et risques
La centralisation massive de données accroît :
le risque de fuite (piratage d’un exchange ou d’un intermédiaire KYC),
la traçabilité des clés publiques associées à une identité, rendant visibles les historiques on-chain (patrimoine, flux), avec un risque personnel (extorsions, ciblage).
C’est le dilemme : plus de transparence pour lutter contre la fraude… mais aussi plus d’exposition pour les utilisateurs si la sécurité des données est défaillante.
7) Impacts pratiques pour les utilisateurs
Déclaration des comptes à l’étranger : si vous avez (ou avez eu) un compte sur un exchange non français (ou hors UE), il doit être déclaré (formulaire dédié) — DAC8 facilitera la détection des oublis.
Tenue de registres : conserver exports CSV, preuves de coût d’acquisition, historiques des transferts (y compris vers self-custody) devient indispensable.
Optimisation fiscale : anticiper le mode de calcul (plus-value occasionnelle au prorata en France), et éviter les schémas de fractionnement artificiels.
Choix de plateforme : privilégier des CASP régulés et solides plutôt que des acteurs « exotiques » où l’on perd l’accès à ses fonds (risque de contrepartie).
Self-custody : reste possible et légale, mais traçable dès qu’il y a interaction avec un CASP (KYC du wallet au-delà de 1 000 €).
8) Impacts pratiques pour les plateformes (CASP)
Mettre en place un reporting DAC8 robuste (qualité des identités, mapping des wallets, agrégation des transactions, détection d’évitement par découpage).
Sécuriser l’entrepôt de données KYC (chiffrement, cloisonnement, gouvernance RGPD).
Préparer des process de réponse aux demandes ciblées de l’administration (antérieures à 2026) et aux contrôles.
9) Questions fréquentes
Puis-je éviter DAC8 en passant en DeFi ?
La DeFi n’empêche pas la traçabilité dès lors qu’il y a un pont avec un CASP (entrée/sortie fiat, on-ramp/off-ramp). Et beaucoup d’intermédiaires non régulés entrent quand même dans le champ MICA dès qu’ils rendent un service de crypto-actifs, avec des obligations proches.
Faire 10 virements de 500 € au lieu d’un de 5 000 €, ça marche ?
Non. Les plateformes peuvent agréger des virements rapprochés et considérer que vous dépassez le seuil, déclenchant KYC du wallet et reporting.
L’administration calculera automatiquement mon impôt ?
Non. Elle recevra des transactions, mais sans vos soldes ni tous les prix de revient. Elle s’en servira pour cibler et contrôler ; à vous d’apporter un dossier calculé et cohérent.
Y a-t-il rétroactivité ?
Pas pour le reporting automatique (limité à 2026+). Mais une fois identifiés, les contribuables peuvent faire l’objet de demandes historiques (ex. 10 ans) adressées aux plateformes.
10) Plan d’action conseillé (utilisateurs)
Régulariser la déclaration des comptes à l’étranger (passes et présents).
Centraliser vos preuves : achats, ventes, transferts, frais, wallets utilisés (exports CSV signés si possible).
Documenter les transferts vers self-custody (date, montant, adresse, justification).
Choisir un CASP régulé et sécurisé ; activer 2FA, clés physiques, et séparer KYC/opérations sensibles.
Préparer 2026 : procédure de clôture fiscale annuelle, sauvegardes, et, si besoin, recourir à un outil/assistant de calcul des plus-values.
11) Ce qu’il faut retenir
Dès 2026, les transactions crypto seront reportées automatiquement aux fisc européens ; premiers envois en janvier 2027.
Travel Rule et DAC8 visent les mêmes données, l’une entre acteurs, l’autre vers le fisc.
Les retraits ≥ 1 000 € vers self-custody exigent un KYC du wallet ; le découpage artificiel est détectable.
Pas de rétro automatique, mais des demandes ciblées sur les années antérieures sont possibles.
La conformité et une traçabilité irréprochable deviennent vos meilleurs alliés pour éviter des redressements coûteux.
Encadré – Exemple de contrôle typique
L’administration reçoit via DAC8 que Mme X a un compte ouvert depuis 2019 chez un CASP.
Elle constate aucune déclaration de compte étranger et aucune plus-value déclarée.
Elle notifie un contrôle et exige : exports de toutes les transactions, soldes à chaque fin d’année, preuves d’achats.
Si Mme X n’apporte rien, l’administration peut reconstituer à charge (ne retenir que les encaissements) et taxer lourdement (impôt + prélèvements sociaux + intérêts + pénalités).
Si Mme X fournit un dossier propre, conforme à la méthode de calcul, le contrôle peut se clore rapidement.
Clause de bon sens
Cet article est informatif et ne vaut pas conseil fiscal ou juridique. Les règles pouvant évoluer, valide toujours ta situation avec un professionnel (avocat fiscaliste / EC).